Au secours, j’ai faim ! (Épisode 2)
La faim qui reste en travers de la gorge
Bon, alors pourquoi certaines personnes se plaignent-elles « d’avoir toujours faim », quoi qu’elles mangent ? Tout d’abord, parce que souvent, ces personnes croient avoir faim alors que tel n’est pas le cas. Elles confondent la faim, qui traduit un besoin biologique, et l’envie de manger émotionnelle, qui traduit une nécessité de calmer des émotions pénibles. Le problème est que lorsque ces personnes mangent ce qui marche le mieux pour calmer les émotions pénibles, c'est-à-dire des aliments à haute densité calorique, gras et sucrés, elles culpabilisent comme des bêtes, elles s’angoissent ou dépriment à l’idée de grossir, et qu’il leur faut alors calmer cette culpabilité, cette angoisse de grossir, en mangeant derechef. Quand on entre dans ce cercle vicieux là, on ne peut plus s’arrêter.
Les mêmes personnes, qui sont aussi celles qui font des régimes, qui s’imposent plein de privations en vue de contrôler leur poids, ont tendance à perdre la capacité de percevoir leurs sensations alimentaires. Elles ne savent plus reconnaître la faim modérée et encore moins le rassasiement. Si bien qu’elles ont tendance à se laisser déborder par des faims intenses, irrépressibles, qui les conduisent à perdre le contrôle, alors que si elles avaient mangé au bon moment, lorsque la faim était une petite faim sympathique, rien de tout cela ne serait arrivé. C’est bien triste.
Mange-t-on le foie gras comme les carottes ?
Le rassasiement sensoriel spécifique, que je préfère appeler le rassasiement gustatif, concerne en fait essentiellement les aliments suffisamment caloriques. Rappelons tout d’abord que cela marche d’autant mieux qu’on a faim, et qu’on mange ce qu’on aime et que l’on désire. Et ensuite, plus l’aliment a une forte densité énergétique, et plus chaque bouchée apporte d’énergie. Une bouchée de foie gras, ça nourrit mieux qu’une bouchée de carottes râpées. Si bien qu’il faut beaucoup moins de bouchées de foie gras que de bouchées de carottes râpées pour se lasser. Bon, je prends les carottes râpées. Ce n’est pas un bon exemple. Parce que, enfin, il n’est pas possible de ne se nourrir que de carottes râpées, surtout si elles ne sont assaisonnées qu’avec un filet de jus de citron. Ça ne nourrit pas son homme, ça. Ni sa femme, d’ailleurs. Si bien qu’en fait, les aliments à forte densité énergétiques (charcuteries, fromages, plats riches en sauce, pâtisseries, confiseries…) et ceux à faible densité énergétique (fruits et légumes) ne se mangent pas du tout de la même façon.
En ce qui concerne les aliments riches, on les déguste petite bouchée après petite bouchée, en se centrant sur leur goût en bouche. Quel délice, ce foie gras, cette mousse au chocolat ! Puis cela cesse d’être un délice, et on se rend compte que si on poursuivait sa consommation, on serait écœuré, dégoûté. On s’arrête donc à ce niveau là. Mais avec les carottes râpées-citron, pas de rassasiement gustatif : c’est agréable, rafraîchissant, mais ça n’est pas non plus l’extase. Mais bouchée après bouchée, ça a toujours le même goût. Pas de vraie lassitude. Alors, on s’arrête lorsqu’on estime qu’on a l’estomac assez plein. S’il l’était plus, ce serait inconfortable, alors pourquoi se bourrer ? Il existe encore une catégories d’aliment à densité énergétique intermédiaire : les viandes et poissons, les céréales et féculents. Pour ceux-là, le rassasiement gustatif fonctionne, mais la sensibilité est moindre : il faut plusieurs bouchées pour percevoir le fléchissement du plaisir gustatif.
Dans la tradition française, et d’ailleurs un peu partout dans le monde, une assiette est composée d’un « principal » et d’une « garniture ». Le principal, c’est la viande, le poisson, ou tout autre aliment riche comme des lasagnes ou autre chose dans ce goût là. Les quantités servies sont soigneusement calibrées. Par exemple, on sait que pour le foie gras, une portion, c’est 70 à 80 grammes. A servir plus, on risque d’écœurer la plupart des mangeurs (mais pas tous, hein…) Si la garniture est faite de légumes, de salades, la quantité n’est pas jugée importante et on en met plus ou moins, selon l’humeur. Mais si c’est un tant soit peu nourrissant (pommes de terre, légumes secs…) on mesure davantage les quantités, tant au moment de servir qu’au moment de consommer.
Finalement, c’est compliqué, de manger, vous ne trouvez pas ? Enfin, c’est compliqué si on veut tout contrôler. Si par contre, on accepte de suivre ses sensations alimentaires, si on mange selon la culture et les traditions de son pays, si on fait tout ça dans la souplesse, alors, toutes ces complications, on laisse nos centres nerveux les gérer comme bon leur semble. Ils sont faits pour. La prochaine fois, je vous dirai comment faire pour tricher avec sa faim. Surprise !
ARTICLES COMPLEMENTAIRES
Dans la série "AU SECOURS, J'AI FAIM!", si vous avez manqué le dernier épisode, vous pouvez lire et relire l'épisode 1 à tout moment.
Si vous souhaitez en savoir plus sur la faim, retrouvez la suite de la saga, avec l'épisode 3.
AU SUJET DE L'AUTEUR DE L'ARTICLE
Gérard Apfeldorfer est psychothérapeute et spécialiste du comportement alimentaire.
Il enseigne les Thérapies Cognitivo-Comportementales et est l'auteur d'ouvrages portant sur les problèmes alimentaires comme "Maigrir c'est dans la tête", ainsi que sur l'application des TCC à d'autres problématiques comme les phobies.
Il est, avec Jean-Philippe Zermati, l'initiateur du programme expliquant comment maigrir sans régime, basé sur la TCC du comportement alimentaire.
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