Chirurgie, obésité, alcool et dépendance
Vous en avez assez de faire du sport et de manger des légumes vapeur pour perdre du poids ? La chirurgie vous offre la possibilité d'en finir avec tous ces supplices, mais dans le même temps, le risque de développer des problèmes avec l'alcool. Alors perdre du poids et lutter contre l'obésité sainement ou développer une dépendance à l'alcool ?
Sylvie commence à reconsidérer les belles promesses qu'elle avait entendu à propos du bypass et de la pause d'un anneau gastrique pour perdre ces vilains kilos. Voyons pourquoi.
La chirurgie de l'obésité ou l'alcoolisme
Sylvie veut perdre du poids mais n'a vraiment pas envie d'entendre les sérénades sur les régimes garantissant une fonte rapide. Elle a entendu parler d'une opération qui consiste à raccourcir le circuit digestif. Cette chirurgie rendrait l'absorption de la nourriture plus éprouvante mais également l'absorption des calories moins importante: perte de poids assurée et obésité oubliée !
Cependant l'étude publiée dans le Journal of the American Medical Association montre que c'est loin d'être aussi simple. En effet, de la même façon que s'injecter par voie intraveineuse des produits stupéfiants en augmente les effets, le passage direct de la bouche à l'intestin accélère la diffusion des nutriments. Ainsi, quand il s'agit d'alcool, les effets en sont démultipliés et l'addiction à l’alcool est facilitée.
L'étude menée aux États-Unis montre que 9,1% des personnes ayant subi une chirurgie bariatrique, en vue d'une perte de poids ont montré des signes de dépendance à l'alcool en moyenne deux ans après l'opération. Ce chiffre peut sembler faible, mais il devient alarmant quand on considère que le nombre d'opérations de ce type se multiplie, du fait de la montée de l'obésité aux Etats-Unis. Ces opérations représentent 70% des opérations de chirurgie de l'obésité effectuées.
Cette étude fait apparaître également que cette tendance à l'alcoolisme est moins forte quand il s'agit de la pose d'un anneau gastrique. L’opération consiste en effet à réduire le volume de nourriture que peut contenir l'estomac, mais n'altère en rien le processus d'absorption des nutriments. Le risque de développement d'une dépendance à l'alcool s'en trouve amoindri, sans être inexistant.
Obésité et alcoolisme liés par la dépendance et la chirurgie
Une des causes de l'obésité est une addiction comportementale, non pas à certaines nourritures, mais à certaines conduites alimentaires compulsives. Plusieurs études montrent que cette addiction comportementale se traduit par le même schéma que celui de l'addiction aux drogues et à l'alcool, mettant en jeu le circuit de récompense.
Selon un professeur de psychologie de l'Université d'Arizona, les addictions comportementales et à des produits comme l'alcool sont liées car elles répondent toutes deux à un besoin des personnes d'apaiser leurs souffrances. Cependant une personne alcoolique aurait de faibles chances de devenir obèse, alors que l'inverse est davantage possible.
Le cas de la chirurgie de l'obésité soulève le problème d'un transfert de la dépendance de la nourriture vers l'alcool. En effet, la consommation de nourriture étant amoindrie ou rendue difficile, les souffrances à calmer n'ayant pas été atténuées, la personne cherchera un autre moyen de se soulager et utilisera donc un substitut, comme l'alcool, à son addiction.
Parallèlement à ce schéma psychologique, les raisons biologiques peuvent expliquer ce transfert de dépendance. La leptine est une substance produite par les tissus adipeux qui indique le seuil de satiété au cerveau et à laquelle les personnes obèses se montrent insensibles. Dans le même temps, des essais cliniques ont montré que le blocage de la production de leptine diminue l'effet de l'alcool sur le circuit de récompense : on y est moins sensible. Le docteur Nora Volkow de l'Institut national de l'addiction aux drogues indique qu'après un bypass, la résistance à la leptine que présente une personne obèse disparaît. Ainsi, l'élément qui la protège de la dépendance à la nourriture la rend également plus sensible aux effets de l'alcool.
Il apparaît donc nécessaire de ne pas se focaliser uniquement sur le poids en lui-même, mais de prendre également en charge les facteurs, par exemple les dépendances, qui interviennent dans la prise de poids pour qu'une solution saine soit apportée.
Source :
Weight-loss surgery increases alcohol use disorders over time Journal of the American Medical Association June 20, 2012
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